Tremblez steaks, saucisses et lardons végétaux !

Les produits végétaux ont une épée de Damoclès au-dessus de la tête.

Le décret n° 2022-947 paru le 29 juin 2022 interdit aux industriels d’utiliser les terminologies propres aux secteurs de la viande et du poisson (jambon, escalope, filet, steak, saucisse, lardon, etc.) pour nommer leurs produits végétariens et vegans.

Bien entendu, l’association Protéines France est tout de suite montée au créneau. Épaulée par les producteurs de produits végétaux, elle a saisi le Conseil d’État et a obtenu la suspension de l’exécution du fameux décret un mois plus tard, le 27 juillet 2022. Autant dire qu’il ne s’agit-là que d’un sursis.

La raison invoquée de cette bataille sémantique ?

« Protéger le consommateur contre la confusion et la tromperie. » Effectivement, combien de Françaises et de Français se sont fait avoir en se retrouvant avec un steak de soja dans leur assiette, au lieu d’un bon burger haché pur bœuf bien saignant ?

un homme énervé, tenant un couteau dans une main et un gros morceau de viande dans l'autre

Sérieusement.

Nos parlementaires nous prennent-ils à ce point pour des illettrés et des imbéciles pour ne pas être capables de lire en toutes lettres et en gros « 100 % végétal » sur un packaging vert ?

Un texte hypocrite

Cette loi est surtout une excuse hypocrite de la part des lobbies de la viande pour protéger leur pré carré.

Ils se rendent bien compte que les habitudes de consommation changent. Les gens mangent moins de viande et sont de plus en plus conscients des enjeux climatiques.

Les messages répétés des associations écologiques, des défenseurs de la cause animale et des professionnels de la santé finissent par porter leurs fruits.

Désormais, de plus en plus de personnes, et notamment les jeunes, se tournent le véganisme.

Ils ont pris conscience que la production de viande nécessite une énorme quantité d’eau, qu’elle pollue l’eau et les sols et qu’elle engendre d’importantes émissions de gaz à effet de serre.

Voilà donc toute l’incohérence.

En 2021, le gouvernement a voté un budget pour le développement des protéines végétales dans le cadre de son plan France Relance, et pour que toutes les cantines de l’Hexagone mettent en place des menus végétariens hebdomadaires.

Et au final, nos députés instaurent une loi qui vient soutenir et protéger les industriels de la viande !

un homme en costume fait l'imbécile en faisant une grimace

C’est une décision ubuesque qui va totalement à l’encontre des enjeux actuels.

N’y a-t-il pas plus urgent à trouver des solutions pour sauver la planète, plutôt que de tergiverser des heures durant sur l’emploi justifié de mots tels que « steak » ou « lardon » pour des aliments vegans ?

Bon à savoir

La France est le seul pays à céder aux sirènes de la filière animale.

Si cette controverse est un sujet mondial qui reflète bien les tensions entre l’industrie de la viande et les alternatives végétales, aucun autre pays n’a encore sauté le pas.

En Australie, une proposition de loi similaire a été déposée en 2020, mais elle a été largement critiquée et finalement abandonnée.

D’autres pays, comme les États-Unis et le Royaume-Uni, ont également eu des débats sur ce sujet, mais aucune loi n’a été adoptée à ce jour.

L’avenir de la filière végétale française en danger

Cette loi est d’autant plus ubuesque qu’elle stipule que tous produits végétaux fabriqués hors de France auront, eux, le droit d’employer ces terminologies.

C’est une concurrence tout à fait déloyale pour nos entreprises françaises, comme La Vie Foods qui a mis au point un bacon végétal et des lardons végétaux.

Certes, cette start-up parisienne ne manque pas d’humour et de créativité, mais convenez qu’il est tout de même difficile de trouver des synonymes aux termes « bacon » et « lardons ».

Le saviez-vous ?

Cette petite société a su « séduire » le géant américain Burger King en devenant le fournisseur officiel de bacon végétal pour leur Veggie Steakhouse…

No comment !

Mangeurs de viande : les industriels vous bernent

De plus, ce texte est totalement partial, car il permet aux produits d’origine animale contenant des protéines végétales de continuer à s’appeler « steaks » ou « saucisses ».

Et là, qu’en est-il de la protection du consommateur et de la transparence de l’information ?

Savez-vous qu’un steak haché de viande de bœuf peut contenir jusqu’à 7 % de protéines végétales ? N’y a-t-il pas tromperie sur la marchandise ?

Il est clair que ces quotas arrangent bien la rentabilité des industriels de la filière viande. Le soja, c’est moins cher que le muscle de cadavre !

Les consommateurs pris pour des imbéciles

Malheureusement, les termes « lait », « yaourts », « fromage », « crème » et « beurre » pour les aliments purement végétaux sont déjà interdits depuis 2007 par le Parlement européen.

Fini le lait d’avoine, le yaourt de soja ou le beurre végétal sous prétexte qu’ils cherchent à imiter les produits laitiers !

Pourtant, toutes ces appellations métaphoriques font partie du langage commun depuis bien longtemps et ne posent pas de problème !

La plupart des consommateurs savent faire la part des choses et ne se sentent pas floués par l’utilisation de ces termes.

Bureau européen de l’union des consommateurs (BEUC) – Octobre 2020

Tout le monde sait parfaitement à quoi s’attendre en achetant un steak de soja ou du lait de riz.

Des exceptions absurdes qui ne font pas débat

un shiba avec un déguisement de hot dog
Même si cela peut porter à confusion, ce hot dog n’est pas comestible ! (Source: petful)

En revanche, et c’est là que cela devient drôle, des exceptions sont prévues pour le « fromage de tête », la « crème de foie de volaille », le « beurre de cacao » ou de « cacahuète », ainsi que pour le « lait de coco » et le « lait d’amande ».

Car tout le monde sait très bien qu’il est impossible de traire une amande !

Mais quelle différence de texture et de couleur entre du lait d’amande et le lait de soja ?

Où est la logique ? Même la fabrication de ces laits végétaux est identique (et simplissime) !

Les alternatives végétales aux œufs sont également très encadrées et on peut craindre que le cuir végétal ne connaisse le même sort.

Maintenant, arrêtons-nous deux secondes sur tous les termes « ambigus » qui fleurissent notre langue française, et qui ne posent AUCUN problème !

  • La « religieuse » au chocolat… qui pense se délecter d’une nonne recouverte de chocolat ?
  • Peut-on aussi imaginer qu’il y ait vraiment du chien dans un hot- « dog » ?
  • Certains ont-ils été désagréablement surpris en dégustant leurs crevettes roses avec de la « Mayonnaise » pour cheveux de chez Dop ?
  • D’autres ont-ils désespérément essayé de composer un joli bouquet de « fleurs » de sel ?
  • Et qui s’est déjà trompé en allant cueillir des « fruits de mer » sur un arbre ?
  • Enfin les « pains de viande », « pains de sucre », « pains d’épices », « pains de cire », « pains de savon »… qu’en disent les boulangers ?

La liste de ces mots qui font le charme de la langue française est longue et personne ne s’insurge !

Alors jusqu’où va-t-on pousser l’exercice sémantique au nom de la sacro-sainte « transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires » ?

Arrêtons l’hypocrisie et jouons la transparence à fond !

Chers producteurs de viande et législateurs, si vous imposez ces interdictions aux filières végétales, soyez également totalement transparents avec vos clients.

Inscrivez clairement sur vos emballages « 100 % muscle de cadavre de bœuf » ou « cuisses de poulet abattu à 8 semaines d’existence ».

Et vous, industriels de produits alimentaires, ne mentionnez pas « végé » sur vos packagings quand, dans la composition des ingrédients, on y découvre de la poudre d’œufs entiers, du lait écrémé ou de la gélatine !

un homme en train de mentir se retrouve avec le nez pointu comme Pinocchio

Quoi qu’il en soit, ces lobbies ont beau faire des pieds et des mains pour protéger leur savoir-faire et lutter pour la transparence de l’information au consommateur, la révolution végétale est en marche !

Le saviez-vous ?

Il existe des solutions pour que les agriculteurs ne mettent pas la clé sous la porte.

La « transFARmation » en est une excellente illustration.

Il s’agit de faire évoluer une ferme en exploitation 100 % végétale respectueuse du bien-être animal.

Déjà bien des fermiers à travers le monde se sont transFARmés et prouvent qu’il est possible de faire tourner une exploitation sans animaux.

Espérons que ces initiatives se multiplient en France.

Vous l’aurez compris, toute cette législation autour des appellations des produits végétaux n’a pas une réelle vocation d’aider le consommateur à savoir ce qu’il mange.

C’est juste un moyen de pression de la part des lobbies du secteur de la viande pour faire reculer la popularisation et l’accessibilité du végétal au plus grand nombre.

un homme glisse une liasse de billets de 100 dollars en guise de pot de vin au milieu d'un contrat

Les lobbies ont simplement peur que les gens diminuent leur consommation de produits carnés.

C’est une question d’argent, de perte financière, au détriment de la santé et du bien-être animal.

Aujourd’hui, septembre 2023, où en est cette loi ?

La pression des lobbies est toujours bien présente, et le débat toujours d’actualité.

Après une année de sursis, le gouvernement remet sur la table ce projet de loi. Les termes utilisés pour les alternatives végétales risquent donc d’être prochainement légiférés.

Affaire à suivre…


Sources : 

Légifrance : Décret n° 2022-947 du 29 juin 2022 relatif à l’utilisation de certaines dénominations employées pour désigner des denrées comportant des protéines végétales.
Conseils d’État : suspension du décret n° 2022-947.
Ministère de l’Agriculture : Plan protéines végétales avec France Relance.
La Vie Foods : producteur de lardons et bacon vegan.
BEUC (Bureau européen des unions de consommateurs) : site officiel.
Parlement européen : interdiction des dénominations des produits laitiers aux produits végétaux.
CIWF France : pour le bien-être animal.

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Végétarienne depuis 2012, j'ai décidé de devenir vegan en 2020. J'ai donc adapté mon répertoire de recettes pour en retirer les produits d'origines animales. Au-delà du bien-être animal, je m'intéresse aussi à mon propre bien-être en me ... Lire la biographie complète

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